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Les tablettes, support d’élaboration intellectuelle
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Supports de prise de note utilisés par l'écolier dans ses travaux, les tablettes peuvent également être utilisées par le lettré déjà formé qui souhaite garder trace de ses pensées, comme l'évoque Pline le jeune lorsqu'il écrit à Tacite qu'à la chasse même, il a toujours près de lui de quoi noter :
J'avais à ma portée [...] un stylet et de petites tablettes ; je ruminais quelque pensée, je prenais des notes, me disait que je reviendrais peut-être les mains vides, mais sûrement ma cire pleine
Pline le jeune, Epistulae, I, 6, 1 ; trad. A.-M. Guillemin.
Enfin, les tablettes sont l'instrument indispensable de l'élaboration littéraire et savante, puisqu'elles servent à noter et à conserver les passages des textes que le lettré entend par la suite utiliser dans son œuvre : la tablette sert donc autant à conserver la trace de l'écrit que de l'oral.
Pline le jeune (ca 61-102 après J.-C.) nous fournit à ce sujet un témoignage précieux lorsqu'il décrit le travail de son oncle, Pline l'ancien (23-79 après J.-C.), rédacteur de la somme encyclopédique intitulée Histoire naturelle. C'est en effet en compilant sans relâche ses lectures que Pline l'ancien parvint à achever cette œuvre aux dimensions colossales, et cette compilation impliquait tout un protocole de prise de notes :
Souvent après son repas, qui dans la journée était léger et simple à la manière antique, en été, il profitait de quelques loisirs pour s'étendre au soleil ; on lui lisait un écrit, il l'annotait et en extrayait de passages. Car de toute lecture il tirait des extraits. Il affirmait même qu'il n'est pas de livre si mauvais qui ne puisse être utile par quelque endroit. [...] En voyage, il s'estimait libéré de tout autre souci et n'avait plus que celui du travail. À ses côtés, se trouvait un esclave secrétaire muni d'un livre et de petites tablettes, portant en hiver des manches tombant sur les mains pour que la rudesse de la température n'enlevât rien à l'étude.
Pline le jeune, Epistulae, III, 5, 10-15 ; trad. A.-M. Guillemin.
La lecture d'un ouvrage s'accompagne donc systématiquement d'un
travail d'extraction des informations pertinentes qui s'y trouvent, cette
extraction reposant sur l'intervention d'un esclave jouant à la fois le rôle de
lecteur et de scribe : ce notarius
prend en note sur ses tablettes (pugillares)
les passages que Pline lui signale. Les passages ainsi notés seront par la
suite retranscrits et ordonnés dans un vaste fichier dans lequel l'auteur
pourra aisément puiser.
Qu'elle serve à garder la trace de paroles prononcées, d'idées
ou de fragments de textes, la tablette représente donc un support mémoriel,
plus ou moins pérenne selon les cas. Il n'est donc pas étonnant que le monde
antique ait souvent utilisé l'image de la tablette lorsqu'il tentait de rendre
compte du fonctionnement de la mémoire humaine : on retient dans sa
mémoire comme on écrit sur une tablette.