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La question des droits d’auteur

Icône de l'outil pédagogique La question des droits d’auteur

Auteurs et éditeurs entretiennent des rapports ambigus, tout autant conflictuels qu'intimes. Quand Marot publie en 1538 une nouvelle édition de son Adolescence clémentine, il y insère un certain nombre de textes préfaciels parmi lesquels une épître liminaire dans laquelle il met en cause les précédentes éditions de son recueil :

« Je ne sais (mes très chers frères) qui m'a plus incité à mettre ces miennes petites jeunesse en lumière, ou vos continuelles prières, ou le déplaisir que j'ai eu d'en ouïr crier et publier par les rues une grande partie toute incorrecte, mal imprimée, et au plus au profit du Libraire qu'à l'honneur de l'Auteur »
Clément Marot, Adolescence clémentine.

En fustigeant les éditions incorrectes que des imprimeurs négligents et mal intentionnés ont données de ses textes, et en opposant le « profit du Libraire » et « l'honneur de l'Auteur », la parole auctoriale et l'esprit mercantile des éditeurs, Marot témoigne aussi bien du peu de contrôle que les auteurs pouvaient parfois avoir sur la publication de leurs textes et de la mainmise des libraires-imprimeurs dans ce domaine que de l'émergence progressive, au cours du XVIe siècle, d'une « conscience d'auteur » et d'un mouvement de plus en plus affirmé de revendication de la propriété littéraire. Le chemin sera long avant que ne soit institué un système de droits d'auteur, inexistant à l'époque qui nous intéresse. Quand le libraire Antoine Vérard publie en 1505 les Regnars traversans de Jean Bouchet, il substitue au nom de l'auteur véritable celui de Sebastian Brant, bien plus vendeur : sa Nef des fous avait alors connu un succès considérable. Si Bouchet eut juridiquement gain de cause, cette anecdote montre clairement combien le statut des auteurs était précaire.

Un indice intéressant de ce statut complexe de l'auteur peut apparaître dans l'étude des pages de garde de la Renaissance : le nom du marchand ne manque que très rarement sur la page de titre, tandis que l'absence du nom de l'auteur est bien plus fréquente. De plus, la présentation du livre insiste essentiellement sur les moyens de se le procurer en tant qu'objet matériel et commercialisé, comme le rappelle la marque du libraire qui vient redoubler les mentions écrites de nom et d'adresse .

D'un point de vue juridique, le travail de collaboration entre les différentes instances de la production commence à se manifester dans l'établissement de contrats notariaux entre auteur et imprimeur-libraire. Comme l'analyse très bien Annie Parent, « si le livre imprimé a permis à l'auteur de prendre conscience de son individualité créatrice et de son pouvoir sur un public en principe illimité, l'écrivain n'a pas encore acquis un statut juridique, qui lui permette d'affirmer son indépendance au sein de la société et de faire respecter ses droits par le libraire ou l'imprimeur » . Aussi les auteurs s'engagèrent-ils dans une longue requête en légitimité, soucieux qu'ils étaient d'obtenir une vraie place dans le système économique et social du livre, de garantir leur droit et de revendiquer la paternité de leurs textes.


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