sommaire objet l'usage glossaire bibliographie sitographie

par les soins des éditeurs

Icône de l'outil pédagogique Par les soins des éditeurs

Le système de diffusion le plus répandu restait, au moins dans le monde romain pour lequel nous sommes mieux renseignés, le recours à un éditeur qui prenait en charge la copie d'un livre et sa diffusion, plus rarement à un riche mécène (cf. Stace, Silves II, 1 dédié au riche Atedius Melior).

L'édition et la diffusion du livre étaient souvent assumées par la même personne. La recherche des services d'un éditeur commence à se répandre de plus en plus à partir du 1er s. av. J.-C. C'est à cette époque qu'entre en scène Titus Pomponius Atticus, ami de Cicéron et éditeur de ses œuvres. Atticus avait un atelier sur le Quirinal où travaillaient pueri, litteratissimi, anagnostae optimi et plurimi librarii (Cornelius Nepos Att. XIII, 3), et qui était renommé pour la haute qualité de ses éditions de textes grecs et latins. Assurément, l'activité « éditoriale » d'Atticus n'a pas encore été clairement définie, mails il semble que cette activité ne présentait pas vraiment un but commercial et lucratif, mais qu'elle faisait plutôt partie de l'ensemble des munera amicitiae, des devoirs de l'amitié. À cette aune, Atticus aurait contribué à une mise en circulation « privée » des livres de Cicéron et d'autres de ses amis, et ne se serait pas intéressé au marché du livre proprement dit.

À la même époque que Cicéron et dans un lieu pas très éloigné de lui géographiquement, la bibliothèque de Philodème à Herculanum, on retrouve des pratiques « éditoriales » tout à fait différentes : les uolumina des œuvres de Philodème et ceux des autres auteurs copiés au même endroit sont fabriqués au sein du microcosme de la Villa des Papyrus à Herculanum, afin d'élargir le patrimoine livresque de cette bibliothèque et sans trop se soucier de la diffusion de ces textes et, clairement, sans intérêt d'ordre commercial. La plupart de ces livres étaient destinés au public limité qui avait la chance de fréquenter la bibliothèque de la Villa.

Au cours des tout premiers siècles de l'Empire, les auteurs recourent de plus en plus fréquemment aux soins d'un éditeur. Les sources littéraires nous transmettent les noms de quatre importants éditeurs : les frères Sosii qui avaient édité les œuvres d'Horace (Epist. I, 20, 1-2 et Ars 345) ; Dorus, connu en tant qu'éditeur de Tite-Live (Sénèque, De benef. VII, 6, 1), et Typhon, qui diffusa l'Institution oratoire de Quintilien (Epist. ad Tryph.) et se partagea les poèmes de Martial avec l'éditeur Quintus Pollio Valerianus.

La diffusion d'un livre dans l'Antiquité comprend deux phases :

  • sa copie en plusieurs exemplaires,
  • sa diffusion auprès d'un public plus ou moins large.

La qualité des copies dépendait de l'attention et des soins de l'éditeur, mais aussi des lectures d'amis ou des relectures de l'auteur. C'est ainsi que Cicéron, alors que les premières copies de l'Orator sont en cours d'achèvement dans les ateliers d'Atticus envoie à ce dernier ce mot pour qu'il procède à d'ultimes modifications :

‘Tes affaires, Chrémès, te laissent-elles donc tant de loisir...' que tu puisses même lire l'Orateur ? Bravo ! J'en suis ravi, et le serai davantage si, dans tes propres exemplaires et même dans ceux des autres, tu fais substituer par tes scribes le nom d'Aristophane à celui d'Eupolis (Att. XII, 6, 1).

Ailleurs, c'est un ami qui lui transmet une erreur relevée dans un de ses écrits :

Brutus m'a signalé, de la part de T. Ligarius, que j'ai commis une erreur en faisant appel à L. Corfidius dans mon discours Pour Ligarius ; mais, comme on dit, c'est une défaillance de mémoire. Je savais que Corfidius était un ami très intime des Ligarii ; mais je m'aperçois qu'il est mort avant mon intervention. Aussi, donne mission, s'il te plaît, à Pharnace, Antéus et Salvius d'effacer ce nom de tous les exemplaires (Att. XIII, 44, 3).

Quant au phénomène des « éditions pirates », il était très répandu dans l'Antiquité. Ainsi, la première rédaction des Entretiens d'Épictète préparée par Arrien a été mise en circulation contre sa volonté et à son insu. Dans le monde romain, Cicéron se plaint à Atticus qu'un de ses discours a été diffusé sans son autorisation (Ad Att. III 12, 2). Et un passage de la préface au premier livre de l'Institution oratoire de Quintilien est encore plus explicite là-dessus. Le professeur de rhétorique se plaint en effet de voir publiés à son insu certains de ses cours, voire des notes de cours prises par ses étudiants :

... On a déjà fait circuler sous mon nom deux traités de rhétorique qui n'ont pas été publiés par moi et que je ne destinais pas à cette fin. Le premier, en effet, est une série d'exposés faits pendant deux jours et recueillis par des esclaves à qui cette tâche était confiée ; le second, qui comporte des leçons, réparties sur plusieurs jours, il est vrai, avait été, autant que faire se pouvait, pris sous forme de notes par de braves jeunes gens, qui, dans un excès d'affection pour moi, lui ont fait l'honneur d'une édition et d'une diffusion téméraires (Praef. 7).

En outre, il est souvent arrivé que, après la mort d'un auteur, ses amis ou ses parents aient retrouvé des brouillons ou des rédactions inachevées d'un livre, des textes qui n'étaient pas destinés à la diffusion ou d'autres qui avaient été révisés en vue d'une seconde édition. C'est aussi après décès que pouvait être entreprise la confection du recueil des œuvres complètes, ainsi dans le cas de Plotin, dont Porphyre s'est fait l'éditeur trente ans après la mort de son maître.


Crédits - UOH - UM3