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Le papyrus

C'est une plante, le papyrus (transcription du mot égyptien per-peraâ), qui a servi à fabriquer le support universel de
l'écriture libraire et, pour une large part, documentaire tout au long de
l'Antiquité dans tout le Bassin méditerranéen (Égypte, Grèce, Rome, Proche et Moyen-Orient). Ce support souple,
d'origine végétale, a été en effet, pour ainsi dire
,
le seul à être utilisé pour la copie, et donc la transmission des textes longs
- écrits littéraires ou documents de toute nature, officiels et
privés -, depuis le troisième millénaire avant notre ère jusqu'à la fin
du IIIe siècle après J.-C., avant d'avoir été peu à peu remplacé,
puis détrôné par le parchemin au cours du haut Moyen Âge. On remarquera au
passage que le phénomène d'abandon progressif du papyrus comme support libraire
coïncide grosso modo avec la substitution de la forme toute nouvelle du codex (ou livre à pages) à celle du
rouleau, sans pour autant qu'un lien de causalité assuré puisse être mis en évidence entre les deux.
La chose la plus extraordinaire est qu'un matériau
particulièrement fragile comme le papyrus a permis la transmission, à travers
tant de siècles, de la mémoire des générations successives, en dépit de toutes
les vicissitudes. En effet, comme tout végétal, le papyrus est putrescible et
se décompose inéluctablement dans un milieu humide, comme le Delta du Nil. Cela
explique que les trouvailles de restes de papyrus antiques soient presque
exclusivement limitées aux zones les plus sèches de l'Égypte
ou, en tout cas, aux régions non touchées par les crues du Nil - si l'on
excepte quelques cas très particuliers comme ceux des papyrus d'Herculanum,
carbonisés (en dehors de toute présence d'oxygène et d'eau) lors de l'éruption du Vésuve en 79, de Thmouis
ou encore de Pétra qui ont été calcinés, quant à eux, dans des incendies de
bâtiments.

Ombelle et racine de Cyperus Papyrus L. (gravure du XIXe siècle)
D'abord,
quelques mots sur la plante elle-même. La variété qu'on connaît sous le nom
savant de Cyperus Papyrus L. était très répandue dans l'Égypte ancienne,
et plus précisément dans le Delta du Nil, milieu idéal par la chaleur et l'humidité pour son développement et sa multiplication
.
Cette plante, que couronne une
inflorescence caractéristique en ombelle, peut atteindre une grande hauteur (3
m. en moyenne, jusqu'à 5 m.) et a servi, de l'antiquité jusqu'au XIXe
siècle, à de nombreux usages, comme à fabriquer des cordes et cordages très
solides, des voiles et même des embarcations, des paniers, des nattes, des
chaussures légères, etc.
L'Histoire naturelle de Pline l'Ancien (XIII, 74-77 et 81-82) nous a conservé de précieuses informations sur le mode de fabrication du papyrus et les qualités et formats de papyrus les plus courants à son époque (ces renseignements sont néanmoins malaisés à interpréter parfois du fait de leur caractère approximatif et de leur laconisme). Seule une certaine portion de la tige (qui offre une section triangulaire), ni trop rigide ni trop molle, était utilisable pour la fabrication des feuillets de papyrus libraire. Les « papetiers » égyptiens travaillaient à proximité immédiate des plantations où l'on coupait, en été, les tiges parvenues à maturité suffisante, pour pouvoir utiliser des plantes fraîches. Ils déployaient (sans doute à l'aide d'une pointe effilée) les fibres intérieures d'une partie médiane de la tige fraîchement coupée. Cela produisait des « pelures » (ou philurai), bandes étroites d'une même longueur. Les plus résistantes, en provenance du bas de la tige, étaient juxtaposées verticalement pour constituer le verso du feuillet (voir l'illustration intitulée "Bordure d'un fragment de papyrus moderne" sur le site de l'UFR de Biologie de l'université Pierre et Marie Curie), avant d'être recouvertes d'une seconde couche de fibres juxtaposées - plus souples et plus fines, provenant d'une section supérieure de la tige : on la disposait perpendiculairement sur la première de façon à constituer le recto du feuillet. Cette trame rectangulaire était alors écrasée fortement au moyen d'un martelage et d'une presse ; cela avait pour effet d'exprimer le suc contenu dans les fibres, qui jouait ainsi le rôle de colle naturelle pour fixer solidement entre elles les deux strates croisées. Après séchage complet au soleil de cette fine trame végétale, on obtenait un feuillet brut ou kollèma (« morceau à coller »), souple et de couleur ivoire, dont la finesse variait selon la qualité. Plus l'épaisseur était fine, plus clair était le papyrus et meilleure était sa qualité. Néanmoins, l'oxydation à l'air et l'exposition au jour faisaient brunir plus ou moins la coloration originelle.
Pour la correspondance, le support principal est la charta, c'est-à-dire une feuille de papyrus. Cicéron ne mentionne jamais de lettres rédigées sur parchemin, mais il évoque parfois des lettres écrites sur des codicilli, c'est-à-dire des tablettes.