Le codex
Le terme de codex désigne le livre tel que nous le connaissons actuellement. Précédé par de petits carnets en parchemin utilisés à Rome, le codex serait apparu dans cette cité vers 80-85 après J.-C. Dans l'une de ses épigrammes (I, 2), le poète Martial mentionne sous le nom de membranae, des codices de parchemin contenant ses propres œuvres. Au cours des IIe et IIIe siècles, le codex coexiste avec le rouleau antique (volumen) et se développe surtout chez les juristes et les premiers chrétiens qui copient l'Ancien et le Nouveau Testament sur des codices. Au cours des IIIe et IVe siècles, le nombre des codices égale celui des rouleaux, ces derniers étant conservés par les juifs pour la copie du Pentateuque. Au VIe siècle, l'adoption du codex est généralisée.
Plusieurs motifs ont été avancés pour expliquer ce changement. L'utilisation des deux côtés du support réduit le coût de fabrication du livre. Le codex permet de réunir une grande quantité de textes dans un moindre volume, notamment à partir du IVe voire du Ve siècle où les codices plus volumineux absorbent le contenu de plusieurs rouleaux. Enfin, le codex autorise un repérage plus facile et un maniement plus aisé du texte : il rend possibles la pagination, l'établissement d'index et de concordances, la comparaison d'un passage avec un autre ou encore la traversée d'un livre en son entier par le lecteur qui le feuillette. Le codex est en somme adapté aux besoins textuels du christianisme : à savoir la confrontation des Évangiles et la mobilisation, aux fins de la prédication, du culte ou de la prière, de citations de la Parole sacrée. En dehors des milieux chrétiens, la maîtrise et l'utilisation des possibilités offertes par le codex ne s'imposèrent que lentement. Son adoption semble avoir été le fait de lecteurs qui n'appartenaient pas à l'élite lettrée durablement fidèle aux modèles grecs, donc au volumen qui demeure par ailleurs le symbole du savoir et de l'autorité d'où ses multiples représentations sur les monnaies et dans l'art.
Comparé au rouleau, le codex modifie les pratiques de la lecture. En le posant sur une table ou un pupitre, le lecteur peut lire et écrire en même temps, aller à sa guise d'une page à l'autre, d'un livre à l'autre. L'invention du codex entraîne celle d'une typologie formelle qui associe des formats et des genres, des types de livres et des catégories de discours. Ainsi se met en place un système d'identification et de repérage des textes dont l'imprimerie sera l'héritière.
Le codex est donc une nouveauté qui va connaître un grand succès dans les premiers milieux chrétiens, à qui l'on doit la pratique de la division du texte évangélique en cola et commata, c'est-à-dire de brefs segments textuels facilitant la mémorisation et la récitation. C'est ainsi que les canons d'Eusèbe de Césarée encadrent une forme primitive d'indexation des Évangiles et témoignent aussi de nouvelles pratiques de lecture . De même, les miscellanea - recueils de textes d'auteurs différents portant sur un même thème ou recueils de textes juxtaposés sans aucune logique - sont des compositions dont le but premier semble en tout cas avoir été de faciliter aussi bien l'accès que la conservation et même le transport des textes ; cette innovation apparaît au cours du IVe siècle dans la communauté chrétienne copte d'Égypte.