Soutenance de thèse

Le Jeudi, 26. juin 2025 -
13:30 - 19:00
Salle des Actes à l’Université de Montpellier Paul-Valéry - Site Saint Charles

M. Florent BIDOT

Soutiendra jeudi 26 juin 2025 à 13 h 30

Salle des Actes n° 011 à l’Université de Montpellier Paul-Valéry, Site Saint-Charles 1

une thèse de DOCTORAT

Discipline : Histoire spécialité Histoire moderne

Titre de la thèse : De la coexistence religieuse au déchirement : le diocèse de Nîmes des Lumières à la Révolution

Composition du jury :

  • Mme Anna BELLAVITIS, Professeure, Université de Rouen Normandie
  • Mme Céline BORELLO, Professeure, Le Mans Université
  • M. Serge BRUNET, Professeur, Université de Montpellier Paul-Valéry, directeur de thèse
  • M. Philippe MARTIN, Professeur, Université Lumière Lyon 2
  • M. Éric SUIRE, Professeur, Université Bordeaux Montaigne

Résumé de thèse :

En dépit de la révocation de l’édit de Nantes, en 1685, qui prohibe le protestantisme dans le royaume, le diocèse de Nîmes reste marqué par un dimorphisme religieux tenace au siècle des Lumières. Toutefois, la paix confessionnelle semble désormais s’imposer dans cette circonscription ecclésiastique méridionale, autrefois tumultueuse. En effet, les catholiques et les protestants nîmois paraissent coexister paisiblement après des décennies de confrontations parfois sanglantes aux XVIe et XVIIe siècles. Nous observons, effectivement, une absence de conflits majeurs dans cet évêché au cours du XVIIIe siècle, même si quelques crises brèves surviennent ponctuellement en fonction de l’intensité des persécutions conduites par le pouvoir royal. Assurément, la logique de l’affrontement confessionnel s’est sensiblement estompée à Nîmes.
Pourtant, l’étude minutieuse des archives dévoile une réalité discordante. En effet, un grondement sourd est perceptible au sein des deux communautés chrétiennes de Nîmes. Revigorés par la restauration clandestine de leur culte, en 1715, les protestants, attachés opiniâtrement à leur foi, résistent, mais de manière pacifique, aux brimades gouvernementales et au souhait d’un épiscopat « éclairé » de les convertir par des méthodes douces. En outre, les relations entre les communautés catholique et protestante se tendent franchement lorsqu’elles ont trait à des aspects cultuels de la vie quotidienne (mariages mixtes, conversions, baptêmes, etc.). Fermement opposés aux rapprochements interconfessionnels, les dévots catholiques et le Consistoire de Nîmes nourrissent, de plus, ces antagonismes religieux. Ainsi, les tensions interconfessionnelles perdurent dans ce diocèse pendant le dernier siècle de l’Ancien Régime. Si elles ne se manifestent que de manière latente, elles rendent, néanmoins, la paix religieuse fragile. Paradoxalement, ces dissensions interconfessionnelles se renforcent au fur et à mesure que la tolérance religieuse progresse dans le royaume et que la répression étatique diminue. Cet échauffement des esprits se rencontre principalement dans les catégories populaires de la société nîmoise ; l’élite laïque de confession catholique ou protestante s’accommodant davantage de ce singulier contexte religieux.
Malgré l’opposition farouche de l’épiscopat français et des catholiques extrémistes qui y voient une menace pour l’Église romaine, les progrès de la tolérance religieuse déterminent le roi à promulguer, en 1787, un édit qui reconnaît officiellement les sujets non-catholiques du royaume et donc les protestants. Si ce texte de loi est accueilli favorablement par la communauté réformée de Nîmes, il ne résout pas la question de la légitimité du culte protestant. En effet, cet édit rappelle vigoureusement que la religion catholique demeure la religion de l’État. De surcroît, les protestants sont toujours considérés comme des sujets du roi inférieurs aux catholiques dans la mesure où ils restent exclus de la vie publique.
De plus, à la fin du XVIIIe siècle, les crises économiques et agricoles exacerbent considérablement à Nîmes les tensions interconfessionnelles. Celles-ci demeurent proches de la rupture lorsque débute la Révolution française. Sous couvert de rivalités politiques et d’enjeux sociaux majeurs, tels que la reconnaissance officielle du protestantisme ou l’effondrement progressif du pouvoir de l’Église catholique, mais aussi sous l’effet du poids de la mémoire confessionnelle et de la déliquescence des institutions locales, la paix religieuse à Nîmes finit par exploser, en 1790, lors de la fameuse « bagarre » et l’année suivante au moment de l’application de la Constitution civile du clergé.
Dans les faits, la résurgence des conflits religieux à Nîmes n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte de la fermentation de plus en plus exacerbée des mentalités pendant tout le XVIIIe siècle. La Révolution française n’a fait que libérer ces rancœurs confessionnelles feutrées.

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Despite the 1685 revocation of the Edict of Nantes, which prohibits Protestantism in the kingdom, the diocese of Nîmes remains marked by a tenacious religious dimorphism sparked during the Age of Enlightenment. Religious peace seems to prevail in this formerly tumultuous southern ecclesiastical district. Catholics and Protestants would coexist peacefully after decades of sometimes bloody confrontations in the 16th and 17th centuries.  There is an overall absence of conflicts in this bishopric during the 18th century, even if a few brief crises occurred occasionally, depending on the intensity of the persecutions carried out by royal power. Certainly, the religious confrontation has noticeably faded in Nîmes.
However, careful study of the archives reveals quiet discord. A dull rumbling is perceptible within the two Christian communities in Nîmes. Invigorated by the clandestine restoration of their religion in 1715, the Protestants, stubbornly attached to their faith, peacefully resisted the government’s bullying and the wish of an “enlightened” episcopate to convert them by gentle methods. In addition, relations between the Catholic and Protestant communities become more clearly strained when calling attention to religious aspects of daily life (mixed marriages, conversions, baptisms, etc.). Firmly opposed to interfaith relationships, devout Catholics and the Consistory fuel religious antagonism. Thus, interfaith tensions undoubtedly continued in the diocese of Nîmes during the last century of the Ancien Régime. Although latent, these tensions destabilize religious peace. Paradoxically, interfaith dissension in Nîmes grows stronger as religious tolerance progresses elsewhere in the kingdom, and state repression diminishes. This kind of agitation is mainly found in the workaday people of Nîmes, while the secular elite of Catholic or Protestant faiths adapt onward toward this singular religious context.
Despite the fierce opposition of the French episcopate and extremist Catholics, who saw religious tolerance as a threat to the Roman Church, its progress led the king to announce in 1787 an edict, which officially recognized non-Catholic subjects. If this text of law is favorably received by the Reformed community of Nîmes, it does not resolve the question of the legitimacy of Protestant worship. Indeed, this edict vigorously reminds that the Catholic religion remains the religion of the State. Furthermore, Protestants were still considered subjects of the king inferior to Catholics to the extent that they remained excluded from public life.
At the end of the 18th century, economic and agricultural crises considerably exacerbated interfaith tensions in Nîmes, nearly erupting when the French Revolution began. Matters continued to deteriorate under the cover of political rivalries and major social issues, such as the official recognition of Protestantism or the gradual collapse of the power of the Catholic Church. Under the added weight of confessional memory and the decay of local institutions, religious peace in Nîmes finally exploded in 1790, during the famous “brawl” and the following year at the time of application of the Civil Constitution of the clergy.
In fact, the resurgence of religious conflicts in Nîmes is not the result of chance. It results from the increasingly exacerbated fermentation of mentalities throughout the 18th century. The French Revolution only released these hushed confessional resentments.

Dernière mise à jour : 15/04/2025