Anne Fraïsse
Université Paul-Valéry mardi 3 février 2009
Route de Mende
34199 Montpellier Cedex 5

à
M. XX
Université Paul-Valéry
Route de Mende
34199 Montpellier Cedex 5

Cher collègue,

Vous me demandez de clarifier devant notre communauté ma position de présidente face à la situation actuelle de l’université : la voici.

Vous me permettrez d’abord de la dire dans une formule latine qui exprime la dignité de notre statut d’universitaires, cette dignité que le ministère entreprend de nous ôter en réduisant notre tâche à une compétition commerciale et ma fonction à une dictature : primus inter pares, le premier parmi des égaux. Voilà ce qu’est d’abord le président d’une université, superbe paradoxe de la démocratie. Élu et non pas nommé, porteur de la voix de ceux qu’il représente, responsable, dans toute la mesure de ses forces et de ses possibilités, du respect des opinions et des choix de chacun.

C’est sans doute ce que vous appelez, un peu trivialement et avec un reproche sous-entendu, ménager la chèvre et le chou.

Oui, je vais avoir, nous allons avoir, à gérer une crise au jour le jour. Je ne l’ai pas souhaité mais je le ferai puisque c’est nécessaire.

Oui, j’approuve ce cri de révolte contre des mesures qui portent atteinte à ce que nous sommes, des enseignants-chercheurs et des fonctionnaires de l’État, et qui nuisent à la formation de nos étudiants et à leur avenir.

Oui, je préfère la liberté à l’autonomie, l’égalité à la modulation des services, les concours nationaux aux emplois précaires, et je ne crois pas être la seule.

Oui, je voudrais concilier, ce qui peut paraître inconciliable, l’expression de ce refus et la bonne marche de notre établissement, car je suis profondément désolée de voir que notre université risque encore de connaître des troubles qui pénalisent notre travail, la réussite de nos étudiants et la réputation de Paul-Valéry.

Je voudrais que, tout en exprimant clairement et fortement notre désaccord total, si c’est l’opinion majoritaire, que nous soyons capables d’assurer les missions qui nous sont confiées, parce que je suis persuadée qu’on ne peut les défendre en refusant de les assurer, même pour la meilleure cause qui soit.

En bref, pour être la plus précise possible, je dois appeler à l’ordre, au respect des opinions de chacun, au bon fonctionnement de notre travail quotidien et à la préservation de notre campus.

J’apprécie que la coordination nationale qui s’est tenue hier à la Sorbonne suggère d’autres modes de résistance que l’arrêt des cours et le blocage des universités. J’espère qu’à Montpellier nous saurons faire preuve d’imagination.

Jeudi dernier, certains faisaient rimer grève avec rêve, permettez-moi de préférer faire rimer résistance avec espérance et confiance et de rappeler à chacun la responsabilité qu’il a envers une université que tous nous aimons et souhaitons défendre et envers des étudiants qui sont venus chercher auprès de nous un savoir que nous leur devons. Mesurons bien cette responsabilité pour éviter de détruire, au nom de nos idéaux, le bien infiniment précieux qui nous est confié, notre université, celle où nous vivons et travaillons tous les jours, car on ne défend pas ce qu’on aime en le détruisant.

J’espère, cher collègue que ma philosophie, pour reprendre votre expression, vous paraît ainsi plus claire, mais je suis prête à la reformuler aussi souvent qu’il le faudra, puisque la répétition est – dit-on – la base de tout enseignement.

Anne Fraïsse, présidente de l’Université Paul-Valéry