Jongleurs et troubadours
Le XIXe siècle, grand producteur de clichés qui ont la vie longue, a popularisé l'image romantique d'un poète amoureux, errant de château en château, pour célébrer sa dame dans ses chansons. La réalité était très complexe et a eu tout le temps de varier entre la fin du XIe s. et le début du XIVe : que de différence entre ces jongleurs, uniquement chanteurs de poèmes qu'ils vont quémander à leurs auteurs, et ces troubadours, fiers de leur art, conscients de leur valeur ! Si l'on s'en prend quelquefois avec des vers violents au jongleur famélique, la vie de Giraut de Bornelh nous apprend que ce « maître des troubadours » tenait école à la mauvaise saison et se faisait accompagner de chanteurs à la bonne (Peire d'Alvernhe ne se moque-t-il pas de son chant maigre et triste qui semble celui d'une vieille porteuse d'eau ?). Fatigué d'être mis dans le même sac que les jongleurs, Guiraut Riquier, vers la fin du trobar, adressa une épître au roi d'Aragon pour lui demander de fixer le vocabulaire afin d'éviter une confusion insupportable. Il faut dire que les troubadours jouissaient d'un grand prestige dans les cours et, dans les échanges avec leurs mécènes qui nous sont parvenus, ils faisaient mine d'être avec eux sur un pied d'égalité. Si le trobar n'avait pas conféré tant de prestige, il n'y aurait sans doute pas eu tant de seigneurs, petits ou grands, pour s'y essayer. |